Les riverains face aux projets d’énergies renouvelables : quels droits pour quels enjeux ?

La transition énergétique s’accélère, mais les projets d’énergies renouvelables se heurtent souvent à l’opposition des populations locales. Quels sont les droits des riverains et comment concilier développement durable et acceptabilité sociale ?

Le cadre juridique des projets d’énergies renouvelables

Les projets d’énergies renouvelables sont encadrés par un arsenal législatif et réglementaire complexe. La loi relative à la transition énergétique pour la croissance verte de 2015 fixe des objectifs ambitieux en termes de développement des énergies renouvelables. Elle est complétée par la Programmation Pluriannuelle de l’Énergie qui définit les priorités d’action pour atteindre ces objectifs.

Au niveau local, les projets sont soumis à différentes procédures d’autorisation, notamment l’autorisation environnementale unique qui regroupe plusieurs autorisations auparavant distinctes. Cette procédure inclut une phase de consultation du public, généralement sous forme d’enquête publique.

Les documents d’urbanisme comme les Plans Locaux d’Urbanisme (PLU) ou les Schémas de Cohérence Territoriale (SCoT) doivent prendre en compte le développement des énergies renouvelables. Ils peuvent définir des zones favorables à l’implantation de certains types d’installations.

Les droits d’information et de participation des riverains

Le droit à l’information des citoyens en matière environnementale est consacré par la Charte de l’environnement de 2004, qui a valeur constitutionnelle. Ce droit se traduit par l’obligation pour les porteurs de projets et les autorités publiques de communiquer les informations relatives aux impacts environnementaux des projets.

La Convention d’Aarhus, ratifiée par la France en 2002, renforce ce droit à l’information et y ajoute un droit à la participation du public aux décisions ayant des incidences sur l’environnement. Ces principes sont déclinés dans le Code de l’environnement.

Concrètement, les riverains peuvent participer aux enquêtes publiques organisées dans le cadre des procédures d’autorisation. Ils peuvent consulter le dossier du projet, poser des questions au commissaire enquêteur et formuler des observations. Le rapport du commissaire enquêteur, qui prend en compte ces observations, est ensuite transmis à l’autorité décisionnaire.

Au-delà de ces procédures formelles, de nombreux porteurs de projets organisent des réunions d’information et de concertation en amont, afin de favoriser l’acceptabilité sociale de leurs projets.

Les recours juridiques à disposition des riverains

Les riverains disposent de plusieurs voies de recours pour contester les projets d’énergies renouvelables qu’ils estiment préjudiciables. Le recours gracieux auprès de l’autorité ayant délivré l’autorisation est une première étape, souvent suivie d’un recours contentieux devant le tribunal administratif.

Les motifs de recours sont variés : non-respect des procédures, insuffisance de l’étude d’impact, atteinte aux paysages, nuisances sonores, etc. La jurisprudence en la matière est abondante, notamment concernant les parcs éoliens.

Le référé-suspension permet de demander la suspension de l’exécution d’une décision administrative en attendant que le juge statue sur le fond. Cette procédure est fréquemment utilisée pour bloquer le démarrage des travaux.

Les associations de protection de l’environnement jouent souvent un rôle important dans ces contentieux, en apportant leur expertise juridique et technique.

La prise en compte des intérêts des riverains dans la conception des projets

Face à la multiplication des contentieux, les porteurs de projets et les pouvoirs publics cherchent à mieux intégrer les préoccupations des riverains dès la conception des projets. Plusieurs approches sont mises en œuvre :

La co-construction des projets avec les acteurs locaux, y compris les riverains, permet de prendre en compte leurs attentes et contraintes dès le départ. Cette démarche peut aller jusqu’à l’élaboration de chartes de bon voisinage.

Le financement participatif des projets, via des plateformes de crowdfunding ou la création de sociétés locales, permet d’impliquer financièrement les riverains et de partager les retombées économiques.

L’amélioration des mesures compensatoires vise à mieux prendre en compte les impacts négatifs des projets sur les riverains et l’environnement local. Ces mesures peuvent inclure des aménagements paysagers, des actions en faveur de la biodiversité ou encore des compensations financières.

Les enjeux futurs : vers un meilleur équilibre entre transition énergétique et droits des riverains

Le développement des énergies renouvelables reste un défi majeur pour atteindre les objectifs de neutralité carbone. Dans ce contexte, plusieurs pistes sont explorées pour améliorer l’articulation entre les projets et les droits des riverains :

Le renforcement de la planification territoriale des énergies renouvelables, avec une meilleure prise en compte des enjeux locaux dans les schémas régionaux et les documents d’urbanisme.

L’amélioration des procédures de concertation, en les rendant plus inclusives et en les démarrant plus en amont des projets. L’expérimentation de nouvelles formes de participation citoyenne, comme les jurys citoyens, est encouragée.

Le développement de projets à gouvernance locale, portés par des collectivités ou des collectifs citoyens, qui permettent une meilleure appropriation par les habitants.

L’innovation technologique pour réduire les nuisances liées aux installations d’énergies renouvelables, comme les pales d’éoliennes furtives ou les panneaux solaires intégrés au bâti.

La conciliation entre le développement des énergies renouvelables et les droits des riverains reste un défi majeur de la transition énergétique. Si le cadre juridique actuel offre de nombreuses garanties aux populations locales, son application sur le terrain nécessite encore des ajustements pour trouver le juste équilibre entre intérêt général et préoccupations locales.